Skip to content

Categories:

Le projet écocidaire de la Gare Saint-Denis Pleyel

« Un emblème du nouveau réseau », voilà comment est présentée la Gare Saint-Denis-Pleyel par la Société du Grand Paris, en charge des travaux et chantiers du Grand-Paris Express. Situé sur la commune de Saint Denis, proche de Saint-Ouen-sur-Seine et de l’Île-Saint-Denis, ce projet phare et faramineux (230 millions d’euros) du Grand Paris Express doit connecter quatre lignes de métro (14,15,16,17) ainsi que le RER D. Cette gare est comparée à celle de Châtelet-les-Halles, tant dans l’idée d’en faire une place centrale au sein du Grand Paris, que par les prévisions d’affluence s’élevant à 250 000 individus par jour. De 28 mètres sous la terre à 35 mètre de hauteur, la station comprendra un système ferroviaire important, ainsi qu’un lieu d’innovations culturelles et sociales de 5000m2, élevant la surface totale d’utilisation par les passagers à 26 000m2.

Un second chantier, celui d’un échangeur routier, s’articule autour de ce projet. D’après le site internet de la filiale de Vinci, Eurovia, il permettrait « de fluidifier le trafic entre le secteur de la Porte de Paris (A1) et le quartier Pleyel (A86), tous deux situés à Saint-Denis (93), et de faciliter l’accès à Universeine et aux sites sportifs majeurs du nord de la capitale (Stade de France, centre aquatique, etc.) dans le cadre des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 ». 

La construction de cette Gare est décrétée d’utilité publique le 28 décembre 2015, les travaux débutent alors dès avril 2017 pour se poursuivre jusqu’en 2024. 

Ce projet prétendu « d’utilité publique » dissimule en réalités différentes facettes rendant la prétendue positivité du projet impossible et inversée.

C’est tout d’abord un projet qui pose des interrogations d’un point de vue écologique. À une époque où le réchauffement climatique ne fait plus aucun doute et où l’artificialisation des sols doit être régulée, voire stoppée, le projet du Grand Paris Express et plus précisément celui de la Gare Saint-Denis-Pleyel, mettent en exergue les difficultés du gouvernement et de la région Ile-de-France à réaliser des projets à grandes échelles, tout en répondant à l’impératif écologique. 

La définition d’artificialisation des sols donnée par le Ministère de la Transition Écologique et de la Cohésion des territoires ainsi que du Ministère de la Transition énergétique indique que « l’artificialisation des sols, conséquence directe de l’extension urbaine et de la construction de nouveaux habitats en périphérie des villes, est aujourd’hui l’une des causes premières du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité » . Pourtant, le projet de la Gare Saint-Denis-Pleyel est l’exemple parfait de ces projets d’extensions urbaines écocides. Le média indépendant Reporterre rapporte que le « projet du Grand Paris est aussi celui d’une nouvelle urbanisation dans une région déjà engorgée : un plan prévoit la construction de 70 000 logements chaque année sur vingt-cinq ans dont 30 % de logement sociaux ». Face à ce plan de bétonnage de grande envergure, de nombreuses associations militantes s’indignent. Extinction Rebellion dénonce « un bétonnage systématique de l’Ile de France ». Ces indignations se font à raison lorsque l’on sait que l’État à du mal à suivre son objectif de « zéro artificialisation nette » prévu par le Plan Biodiversité qui « vise à renforcer l’action de la France pour la préservation de la biodiversité et à mobiliser des leviers pour la restaurer lorsqu’elle est dégradée ».

Outre ce premier problème écologique, le projet de la Gare Saint-Denis-Pleyel engrange des problèmes sociaux de grandes envergures. La Société du Grand Paris Express se gargarise du fait que sur les 170 chantiers en cours, 6 700 personnes travaillent. Pourtant ces travailleurs ne bénéficient d’aucune protection. La preuve la plus concrète est la mort de 3 ouvriers dont 2 morts sur les chantiers de la gare Pleyel : un salarié d’Eiffage en décembre 2020 sur le chantier de la ligne 16 au Bourget et un autre salarié en janvier 2022. Expliquer ces morts parait très simple quand on connait les conditions de travail qui s’imposent l’ensemble des chantiers du Grand Paris Express. Dans un article de Marie Astier, paru sur Reporterre, la journaliste rapporte que de nombreuses règles de sécurité ne sont pas respectées. Par exemple, les badges, sensés prévenir les pompiers du nombre d’ouvriers présents dans les tunnels ne fonctionnaient pas. De même, lorsque les alarmes incendies et les détecteurs de gaz se déclenchaient, les ouvriers ne sortaient pas des tunnels. Marie Astier parle alors de « banalisation du risque », à raison. 

A cela s’ajoute une pression de travail difficile et illégale. La plupart des employés sont des travailleurs sans papiers, des sous-traitants ou encore des intérimaires. Les entreprises en charge du chantier profitent de leur situation pour les exploiter. Certains témoignages, comme ceux cités par Marie Astier, rapportent que certaines journées commençaient à 7 heures pour se terminer à 23 heures. Cette pratique est illégale et équivaut à deux journées de travail en une. Les journées de travail ne sont pas accompagnées de pause alors que l’article L3121-16 du Code du travail dispose que « dès que le temps de travail quotidien atteint 6 heures, le salarié doit bénéficier d’un temps de pause d’au moins 20 minutes consécutives ». Les entreprises profitent de la précarisation dans laquelle se trouvent les ouvriers, qui ne peuvent se permettre de ne pas travailler, pour mettre une pression extrême sur ces derniers, allant même à l’encontre de la loi. Tout cela dans un seul but : celui de finir le chantier dans les délais. 

Dans un dernier temps, le chantier de la Gare Saint-Denis-Pleyel et ses conséquences posent aussi des problèmes de santé public. C’est sur l’échangeur Pleyel qu’il convient alors de se concentrer. D’après la Direction des Routes d’Île de France (DiRIF), l’échangeur, qui vient remplacer l’échangeur de Paris, permettrait de désengorger le quartier de sa circulation. De plus, la DiRIF se vante des « bénéfices environnementaux » qui découleront de ce chantier : « 41 000 m2 d’espaces végétalisés, avec arbres, arbustes, prairies fleuries et fossés urbains végétalisés. Plus de 7 000 m2 de sols, actuellement recouverts de bitume ou de béton, seront rendus perméables. Les nombreux espaces délaissés – zones inoccupées aux abords des infrastructures autoroutières et le long des boulevards – seront valorisés en espaces paysagers ». 

Pourtant ce projet est critiqué en raison de la pollution qu’elle risque d’engendrer dans le secteur Saint-Denis-Pleyel. L’UNICEF (Fonds des Nations unies pour l’enfance) démontre dans un rapport sur l’injustice sociale de l’exposition à la pollution publié en 2021, que le projet serait une catastrophe pour les habitants du quartier. En effet 13 000 voitures par jour devraient passer par l’échangeur d’après Hamid Ouidir, élu à la FCPE des parents d’élèves de Saint-Denis. Ce nombre conséquent de voiture risque d’enclaver des habitations. En effet, la zone de l’échangeur est entourée de nombreux logements et autres infrastructures, tel des écoles par exemple. Selon l’élu de la FCPE des parents d’élèves, 700 élèves seront exposés, quotidiennement, à la pollution automobile. La pollution atmosphérique, en majorité causée par l’automobile, tue environ 48 000 personnes en France selon un rapport de Santé Publique. De plus, la précarisation est souvent synonyme d’exposition accrue à la pollution. En effet, les foyers français précaires et urbains sont souvent bien plus exposés à la pollution de l’air que les centres bourgeois. La preuve en est avec la construction de cet échangeur dans un quartier précaire et dans l’un des départements les plus pauvres de France. 

Entre désastres écologiques, sociaux et médicaux, les projets de la Gare Pleyel et d’échangeurs initiés par le Grand Paris Express, pour le soi-disant bien être des habitants de la capitale et de ses périphéries, s’avèrent être plus que scandaleux. Ne laissant le choix à aucun des habitants locaux et allant à l’encontre des lois, l’État français montre, une nouvelle fois, que les projets économiques d’envergure, alimentés par les fonds publics et bénéficiant aux prestataires privés (notamment les multinationales du BTP), passeront toujours au-dessus du bien commun et du vivre ensemble.

             Gabriel pour le CLLT

Ressources :

A retrouver en format PDF dans la rubrique « Articles » du site internet 

Posted in General.